Le travail d'archiviste, en plus d'être méprisé par la plupart des agents de police, avait quelque de particulièrement aléatoire. Parfois, il restait des jours à n'avoir rien de franchement intéressant à faire, et d'autres fois, on lui demandait d'abattre en une journée des recherches qui auraient nécessité des jours. Et pas un merci le lendemain quand les dossiers étaient par miracle sur les bureaux des équipes d'enquêteurs. Quelle ingratitude, franchement. Il savait donc qu'une bonne partie de la nuit, voire toute la nuit, il serait là, à parcourir les dossiers, à exhumer les dossiers oubliés qui pouvaient aider dans la nouvelle affaire. Il avait pris une légère pause, s'étant pris un plat chinois à emporter, crevettes pour être précis. Puis il avait repris sa tâche, mangeant avec concentration en parcourant les différents dossiers.

Il n'aurait su dire quelle heure il était quand la lumière s'éteignit, il avait été bien trop pris par sa lecture – quoi ? Lire des dossiers, c'est un peu comme un bon polar, les photos glauques en plus-. Il pesta. On lui avait encore coupé la lumière ? Il savait bien que les archives, c'était la cinquième roue du carrosse, mais quand même, ça se voyait qu'il était encore dans le coin ! Heureusement qu'il savait où étaient les disjoncteurs à force, parce que c'était sacrément gonflant ! Il reposa ses baguettes et sa barquette pas encore tout à fait vide sur son bureau. Habitué, il fouilla son premier tiroir pour attraper sa lampe torche. Il se demandait si ce n'était pas à cause de ces exaspérantes conditions de travail que celui qui avait occupé le poste avant lui avait démissionné. Franchement, c'était quand même agaçant, et il était fort probable qu'un homme pour qui le classement est la passion première, ce genre de déconvenues qui forcent à agir, ça peut désappointer. Il marcha vers le bureau de son collègue de garde, notant que pour une fois, la panne était générale. Ce n'était donc pas une mauvaise blague lui étant spécialement dédicacée. Cela éveilla la suspicion naturelle de l'archiviste qui avait dès lors assourdit sa démarche jusqu'à ce qu'elle soit complètement silencieuse.

Arrivé face à son collègue, il eut un soupir en le découvrant égorgé. Super. Il allait passer une bonne soirée. Il n'approcha pas plus son collègue, familier des procédure en cas de meurtre. Il ne devait pas saloper la scène de crime. Aussi, il s'éloigna. Il était clair qu'il devait sortir du commissariat et contacter ses supérieurs pour expliquer la situation. Quitte à passer pour un coupable tout désigné, c'était mieux que finir égorgé. Il avançait silencieux dans les couloirs quand un cri de femme se fit entendre. Qui était encore dans le commissariat à cette heure ? Il se dirigea vers la source sur bruit, sans en faire lui-même. Il ne s'arrêta qu'en distinguant dans la faible lumière de sa lampe qu'une batte lui arrivait dessus. Il esquiva le coup et découvrit une jeune femme.

« Hey ! Hey ! Hey ! »chuchota-t-il en levant les mains. « On se calme ! Je suis flic... Enfin archiviste, mais je bosse ici ! C'est pas la peine de m'agresser alors qu'il y a un malade dans le coin ! »

Il fixa la jeune fille droit dans les yeux, enfin, juste avec ses lunettes entre leurs regards. Il ne devait pas paraître très menaçant avec son veston à motif écossais, et sa chemise un peu froissée mal rentrée dans son pantalon de tweed un peu trop ample. Un véritable cliché du rat d'archives.