Godric et Freyja se sont rencontrés à l’adolescence. Un peu par hasard, un peu grâce au destin. La jeune Harker s’avéra être une aubaine dans la vie de l’irlandais dont les mains n’avaient le pouvoir de rien guérir. La jeune fille de l’époque avait déjà des doigts de fée et s’affaira à remettre à l’heure les rouages usés de son ami avec un soin tout particulier. Entre eux les choses se sont faites naturellement. Lorsqu’elle l’a trouvée à la sortie des cours, le nez en sang après une énième bagarre, elle n’a rien demandé. La jeune fille l’a simplement amené à l’infirmerie malgré ses plaintes et ses refus avant de le laisser là. Déjà à l’époque elle était un peu bizarre, déjà à l’époque il n’était pas facile à aimer. Pourtant, Freyja ne lâcha pas prise,  apparaissant toujours aux moments où il voulait moins la voir avant de disparaître comme elle était venue, sans un mot. Au fil des mois, Godric a finalement commencé à baisser sa garde, laissant cette fille un peu étrange, un peu trop têtue à son goût, s’approcher de lui comme personne ne pouvait le faire. Lorsqu’il avait un problème, s’était vers elle qu’il se tournait. Il est souvent venu toquer à sa fenêtre lorsqu’après avoir écumé les bars, trainés avec des gens infréquentables, il sentait le besoin d’avoir une présence à ses côtés. Lui, c’était le gars paumé au milieu d’une tempête. Toujours l’air hébété, toujours sur le point de se faire avaler. Quant à elle, elle était l’œil du cyclone, la délicieuse accalmie qui lui offrait quelques heures de répit de temps à autre. Bien sur, Godric refusa de l’admettre. Tout comme il refusa d’admettre que c’était grâce à elle qu’il obtint son diplôme. Elle le savait, il le savait et tous deux savaient que l’autre aussi en était conscient. C’était comme ça entre eux, ils n’avaient pas besoin de dire les choses, le savoir leur suffisait bien assez.
Les choses se sont envenimées lorsque Freyja a commencée des études. Même si ce n’était pas son but, elle délaissa un peu Godric, se focalisant sur ses projets d’avenir et son futur. Quant à lui, bloqué à l’avènement de sa vie, il attendait le signal, le coup de pouce bien placé qui allait l’obliger à aller de l’avant. Depuis ses dix-huit ans il attend le signal, espérant que quelqu’un ou quelque chose lui offre les réponses à toutes ses questions. Avec le temps, ils ont finis par se voir moins souvent. Lui, caché dans sa forteresse de solitude au milieu des terres arides et hostiles, elle cachée au sommet de sa tour d’ivoire. Ils n’étaient pas du même monde, ne l’avaient jamais été, c’était un fait. Ils le savaient parfaitement à l’instant où d’un commun accord ils avaient baissés leurs gardes, laissant l’autre voir des choses qu’ils n’avaient jamais montrés. Le monde étant ce qu’il est, les semaines se sont transformées en mois et les quelques échanges insatisfaisants qu’ils arrivaient à maintenir se sont vite avérés être plus douloureux que plaisant. Godric est tombé dans les paradis artificiels, s’abreuvant de songes sur commande, gobant l’éther pour se sentir voler alors que Freyja a gardé ses deux pieds ancrés sur la terre ferme. Comme par le passé, rien ne devrait les presser l’un vers l’autre, pourtant tout semble le faire. La brune sort là où son vieil ami travail, ce dernier se retrouve parfois obligé de l’appeler depuis le poste de police quand on lui demande de contacter la personne la plus proche pouvant venir le chercher. Ils sont les héros d’une histoire où tous les opposes. Guerriers désarmés aux extrémités d’un même récit. Cependant, aucun des deux n’arrivent à couper le cordon de cette relation devenant progressivement malsaine. Le brun se tue à petit feu, grillant chacune de ses cellules à force de gober des pilules en espérant oublier ce qu’il est. Elle, elle s’use jusqu’à la moelle à essayer de récupérer les morceaux éparses de son ami. Elle aurait dû l’abandonner depuis longtemps, même Godric a le culot de lui cracher ces mots au visage lorsqu’au plus haut de sa déchéance il se sent le courage de tout dire. Cependant, Freyja, elle, n’a pas le courage d’abandonner ce garçon un peu étrange, un peu trop frêle et autodestructeur pour son propre bien. Elle a toujours été une amoureuse des causes perdues. Elle a toujours trouvée un certain réconfort à remettre sur pieds les pauvres animaux blessés, égarés qui avaient besoin de ses mains curatrices pour reprendre leur route. Un peu trop naïve, un peu trop bonne aussi, elle espère pouvoir, un jour, faire de même pour Godric. Elle espère pouvoir être l’étincelle capable de rallumer la flamme dans ses yeux. Elle espère vainement pouvoir réparer la mécanique de son cœur brisé. Alors, même si elle se fait quelques égratignures en chemin, elle remettra à sa place chaque rouage soigneusement réparé. Prendra tout le temps qu’il faut pour le remettre en un seul morceau sans avoir idée de ce qu’il ressent à la voir s’acharner sur son pauvre cœur décharné. Elle ne se rend pas compte de la douleur qui s’est installé dans son regard, de sa honte aussi. Freyja ne se doute pas un seul instant qu’il va de pire en pire depuis qu’elle est de retour dans sa vie. Elle n’imagine pas la honte qu’il ressent de ne pas être assez bien pour la seule personne qui s’intéresse ainsi à lui. Elle ne se doute pas de l’amour douloureux et maladroit qu’il éprouve à son égard. Elle ne se doute de rien et pourtant subit ses éclats de colères, ses éclats de folie, essuyant toutes ses crises parce qu’elle est comme ça. Parce que si lui est fait pour détruire les choses l’entourant, elle a des mains qui soignent, un don qui est son fardeau.